Résumé
En Arménie, au IIIe siècle de notre ère, le gouverneur romain Félix a donné sa fille Pauline en mariage au seigneur arménien Polyeucte. Autrefois, à Rome, Pauline aimait et était aimée de Sévère, mais elle a obéi à son père, et l’on croit alors Sévère mort au combat. Peu après son mariage avec Polyeucte, Pauline a vu en rêve le retour de Sévère et l’assassinat de son époux. Polyeucte se convertit au christianisme, tandis que Félix doit persécuter dans sa province les chrétiens, inquiétés dans tout l’Empire Romain. Sévère n’était pas mort, il se présente en espérant retrouver Pauline dont il ignore le mariage récent. Au temple, Polyeucte tout juste baptisé profane les idoles. Malgré les pleurs de Pauline, les menaces de Félix et l’intercession de Sévère, Polyeucte persiste à revendiquer son acte…
Réprésentations
Espace Bernanos
Les 7, 8, 14, 15, 20 et 21 novembre 2020
Horaires : 18h pour les vendredis et samedis,
16h pour les dimanches
Tarif plein : 25€ – Tarif réduit 15€
Réservations
L’auteur
Né à Rouen, Pierre Corneille (1606-1684) fait de brillantes études chez les Jésuites – dont la pédagogie inclut la pratique du théâtre – et devient avocat en 1624. Après le succès de sa première comédie, Mélite, jouée à Paris en 1629, Corneille enchaîne les triomphes avec notamment Le Cid, Horace et Cinna. Après les échecs de Nicomède et de Pertharite, Corneille abandonnera le théâtre pendant quelques années et se consacrera à une traduction en vers de l’Imitation de Jésus Christ. Ses dernières œuvres théâtrales peineront à toucher un public désormais conquis par les pièces du jeune Racine.
Distribution
Rafaële Minnaert
Romain Duquaire
Cynthia Alcalay
Dominique Journet-Ramel
Alexandre Leprince-Ringuet
François Marais
Nicolas Pierchon
David Reboah
Ronan Vernon
Note d’intention
Peux-tu voir tant d’amour sans en être touché ? (V, 3).
On ne peut aborder Polyeucte, tragédie à sujet chrétien de Pierre Corneille, sans se demander si la pièce peut encore nous parler aujourd’hui, si elle ne serait pas intimidante, voire déroutante pour le public de notre temps. Ou est-ce qu’elle pourrait représenter l’humanité espérée ?
La tragédie de Corneille ne nous dit pourtant pas autre chose que : l’amour peut tout. Si elle est la tragédie de la grâce, elle est aussi celle de la volonté libre. Pauline, cet être qui privilégie son devoir et sa vertu, peut nous surprendre tant elle est absolue, tant elle bouscule nos mœurs contemporaines. C’est son courage et sa franchise qui emportent notre adhésion, ainsi que la liberté totale avec laquelle elle consent au sacrifice. Pauline et Stratonice défendent vigoureusement les femmes dans une société d’hommes (I, 3). Sévère quant à lui a le courage de défendre la liberté de culte (« J’approuve cependant que chacun ait ses dieux, / Qu’il les serve à sa mode », V, 6). Toujours amoureux de Pauline, il va se faire protecteur des chrétiens, au péril de sa vie. La grandeur, à première vue écrasante, des héros de Polyeucte, en fait à mon sens des personnages inspirants pour notre temps.
Quant à Polyeucte, ce héros qui vandalise le temple, est-il respectable ? Son geste nous est incompréhensible et sa conversion récente ne justifie pas un tel acte. Ce n’est apparem- ment pas de lui-même qu’il va briser les idoles, il semble suivre une parole qu’il a entendue : « Où pensez-vous aller ? », lui demande Néarque, « Au temple où l’ON m’appelle » (II, 6). A-t-il pris à la lettre un enseignement qu’il suit avec l’enthousiasme du nouveau converti ? Exalté au sortir du baptême, sûr de lui et de son rang, entre deux mondes, Polyeucte sacrifie tout à son idéal. Il ne conçoit l’amour terrestre que dans la forme la plus haute : l’amour de Dieu. Son geste restera pour nous une énigme que chaque spectateur interprètera à sa façon.
Pour incarner cette tragédie hors-norme, une mise en scène épurée s’est imposée, laissant toute sa place à la force du texte. J’ai choisi des artistes à la maturité indispensable, qui avaient le cœur prêt, – chacun comme unique –, à la personnalité sonore affirmée, et qui, ensemble, résonneront en syntonie.
Rafaële Minnaert
Photographies : DAVID REBOAH
Dessins des costumes : PHILIPPE PARENT